Le prosciutto di Parma, autant qu'une appellation d'origine protégée, est l'un des symboles du savoir-faire artisanal de la région de Parme et de son dynamisme industriel et culturel.
SEIGNEUR. À Parme, le jambon n'est peut-être pas une affaire d'état, mais il y ressemble fort. Que de soins et d'engagement avant de mériter le tampon de la couronne ducale à cinq pointes apposé sur la cuisse d'un cochon élevé dans onze régions du centre et du nord de l'Italie et traité en roi dans l'un des douze villages de l'appellation d'origine protégée !
Le maître saleur de Slega à l’ouvrage
Un terroir, au vent sec descendant des Apennins, en route vers la mer, un gardien du temple et de ses tables de la loi, le Consorzio del Prosciutto di Parma, et vogue le produit au gras souverain et à l'équilibre strict. Un seigneur du goût, contrôlé par le maître saleur, « maître de chais » à l'œil exercé, fin manipulateur dont l'aiguille en os de cheval est l'arme absolue pour en mesurer la saveur et la droiture sanitaire. C'est ainsi qu'une valeureuse bête devient un violon sensible et goûteux. Un grand cru.
Le jambon de Parme, comme le parmiggiano reggiano, son frère d'appellation contrôlée aux meules de grand apparat, est autant un seigneur qu'un acteur, objet de mille soins. De l'un comme de l'autre, il faudra évacuer l'eau, pour eux jouer avec le sel - uniquement - et affiner en stratège. Pour le premier, faire que la déshydratation soit un calcul exact autant qu'un acte d'amour.
Alors, seulement, affiné 24 ou 30 mois (il peut se bonifier jusqu'à 36 mois) dans ses caves-cathédrales, riche de sa «ligne» de gras d'au moins 2 cm, reposé, massé, lavé, séché, recouvert du saindoux protecteur, ayant mérité sa couronne ducale apposée au fer rouge sur la couenne, son ultime passeport de traçabilité, le jambon peut, enfin, devenir plaisir et sentiment.
La couronne ducale
Culture, goût et Renaissance
Mais si le jambon est roi, il ne faut pas oublier combien il doit à Parme la médiévale, l'aristocrate, la romantique. Entre Milan et Bologne, elle n'est que culture et indépendance, capitale agro-alimentaire de l'Emilie-Romagne à l'esprit érudit et subtil. Les cuisses de cochons, telles des violons et les meules de l'or blanc, mais aussi Barilla, Parmalat, Mutti, Gresci (tomates), Rizzoli (anchois), sans oublier le vinaigre balsamique, l'or de Modène et de Reggio, si proches (30 Km), les champignons de Borgotaro, le saucisson de Felino... sont les signes extérieurs de son dynamisme économique. Mais il y a, d'abord, l'art, l'histoire, le patrimoine. À Parme, cette trilogie vaut passeport culturel. Si le jambon est un trésor, il en est bien d'autres qui font la richesse, la fierté et la séduction de la ville aux quinze théâtres.
La cathédrale, le dôme et le baptistère
Parme, ville d'art et d'émotion.
Le baptistère en marbre rose et blanc de Vérone, merveilleuse traduction de la transition entre art roman et art gothique, est une perfection à l'italienne ; le Duomo et la cathédrale, un chef-d'œuvre de l'art roman de la plaine du Pô, avec sa coupole à fresque signée du Corrège ; le palais et le jardin ducal, l'un des plus beaux parcs historiques d'Italie ; le palais Farnèse et son théâtre magique en bois de pin, reconstitué après sa destruction en 1944, symbole, au cœur du Palais de la Pilota (XVIIe), de la mégalomanie des Farnèse. Sans oublier Santa Maria della Steccata, et ses œuvres signées de maîtres de la Renaissance comme Francesco Mazzola, dit «Parmigianino», Anselmi ou Mazzola. Et puis la bibliothèque palatine aux millions de manuscrits et d'incunables. Ou encore le théâtre Reggio, inauguré en 1829, piège doré et supplice pour ténors improbables au pays de Verdi. Marie-Louise d'Autriche, que les Parmesans révèrent, deuxième épouse de Napoléon et bienfaitrice de la ville, le fit construire et l'a légué de même que le conservatoire de musique. Le Reggio, au public intraitable et connaisseur, où Pavarotti ne risquait pas ses contre-ut et qui fit suer sang et larmes à la Callas.
Parme, c'est l'art du Corrège, le génie de Benoît Antelami, sculpteur et architecte. Le mélange du patrimoine et de la gastronomie, de la culture et du terroir. Une ville de tourisme et de tradition dont seule l'Italie a le secret.
Jacques Gantié
• Tout savoir sur le jambon de Parme :
Consorzio del Prosciutto di Parma, 8B via Marco del' Arpa, Parme. Tél. 0039 0521 243 987 et 246211 et http://www.jambondeparme.com
• Visiter.
L'entreprise Slega, de Stefano et Massimo Borchini, à Langhirano (Via Cesare Battisti, 14 bis, tel. : 0521 852 841). Cette pme et valeur sûre, produit environ 50 000 jambons d'origine protégée (DOP) par an. Les cuisses transformées proviennent de cochons de 9 à 12 mois (120 à 175 kg).
Stefano Borchini, p.-d. g. de Slega
• À savoir :
L'Italie produit chaque année 40 millions de jambons, dont 9,5 millions de Parme. 3 000 personnes sont employées dans l64 maisons de production de la région de Parme. Langhirano en est le cœur névralgique (près de 70 % de la production) et le premier des douze villages situés au sud de Parme, à 7 Km de la Via Emilia, sur une terre sans humidité caressé par l'air des montagnes et de la mer.
Le premier marché du jambon de Parme est la France (environ 400 000 jambons par an) devant les Etats-Unis, l'Angleterre étant le premier client de « prétranché ». Pour un jambon de 14 mois, le prix du kg varie en Italie entre 25 et 30€, contre 60 à 80€ en France.
• Lire :
« Le jambon de Parme, dix façons de le préparer » de Nathalie Le Foll (Editions de l'Epure).
• À table :
Deux trattorie de cuisine authentique à ne pas manquer dans les proches environs de Parme :
« Masticabrodo » 45 strada provinciale per Torrechiara, Pilastro (0521 639 110 et trattoria@masticabrodo.com ). Au cœur de la région du Parme (9 km de Langhirano), pour la sincérité de la cuisine, le jambon de 30 mois, le délicieux bouillon aux anolini farcis au chapon et veau, les taglioglini, les tripes à la parmesane, l'accueil adorable du couple de restaurateurs, sans oublier le bargnolino, digestif aux baie sauvages. Masticabrodo signifie « manger le bouillon ».
« Trattoria ai Due Platani » 104A via Budellungo, Coloreto (0521 645 626). Épatante cuisine du produit de Mateo Ugolotti : torta frita et Parmiggiano Reggiano de 30 mois et vinaigre balsamique de Modène (de 30 ans !), très fins tortelli di erbetta, bigoli au ragoût de pintade, sbrisolona (tarte aux amandes typique d'Emilie Romagne) et sabayon...
Dans Parme : « Gran Caffè Orientale » (XVIIIe), piazza Garibaldi (0521 285 819). Également, les 1 étoile de la ville, « Parizzi » rue della Republica et « Al Tramezzo » via del Bono, ainsi que « La Greppia », rue Garibaldi.
(photos Jacques Gantié)