En ce début de printemps, il pleut des cordes et c’est l’hiver qui joue les prolongations. Mais le 28 mars dernier, c’est une circonstancielle pluie d’émotion qui s’est abattue sur L’oasis… Une « vinofolie » animée par Éric de Saint-Victor et son Château Pibarnon !
En ouverture : Pascal Paulze, Éric de Saint-Victor et Stéphane Raimbault
ACCORDS. Après une présentation du domaine et de Bandol, la soirée débute par le rosé de Pibarnon 2011 en guise d’apéritif. Un vin sérieux, bâti sur la structure du mourvèdre et sur la finesse du cinsault. Couleur soutenue, nez de fruits mûrs, de petits épices avec en bouche du corps et de la longueur. Certes, très plaisant en solo, mais tout à fait adapté aux plaisirs de la table.
Puis, ce fut l’univers du vin rouge qu’a voulu présenter ce vigneron. Car, en effet, Bandol est connu et reconnu depuis des décennies pour et par ses rouges. Et Pibarnon ne cède pas à la mode des rosés, continuant à produire pratiquement 2/3 de vins rouges, quand l’appellation tend à faire plus de 80 % de rosés.
Cette balade nous impose un menu osé, pour associer 3 bandons rouges, tout en composant un menu équilibré. Et voilà comment un chef (bien inspiré par Pibarnon) écrit une grande partition…
Une entrée en matière avec la cuvée "Restanque 2010", une vigne de milieu de coteau sur des sols assez argileux, donnant des structures plus rondes au mourvèdre qui, complété par 30 % de grenache, gagne encore en fruité et en élégance. Un Bandol de plaisir immédiat que nous avons associé à de l’andouille de cheval, accompagnée d’une salade de lentilles aux huîtres. Un accord qui donnait de la tension au vin, jouant sur de jolis amers en finale, grâce à l’iode de l’huître.
On poursuit le dîner par le Château Pibarnon 2008, une grande expression du mourvèdre sur un millésime plein de classe où les maturités se déroulent lentement, amenant les vendanges à se terminer le 10 octobre. Un vin à 95 % mourvèdre, issu des terroirs calcaires de haut de colline, vinifié en douceur et élevé sous bois (foudres anciens) pendant plus de 18 mois. Avec un nez éclatant où se côtoient des arômes de sous-bois, de champignons frais et d’épices (poivre fruité) et une matière onctueuse en bouche, où les tanins délicats se trouvent portés par la fraîcheur (acidité) du millésime.
Un vin qui mérite que l’on s’occupe de lui tout en le bousculant. C’est ainsi qu’a été imaginé ce pot au feu de foie gras. Un consommé de canard et d’écrevisses, escalope de foie gras de canard poché, infusion de poivre maniguette. Un plat de dentelle pour un vin masculin. Une complémentarité presque évidente, surtout lorsque le foie gras enveloppe les tanins, que le bouillon impose un rapport auquel le vin répond par sa longueur, tandis que la maniguette joue sur le même accord que ce mourvèdre. Un plat qui se termine par un « chabrot », remarquable, où les deux amants ne firent plus qu’un !
L’évolution du repas nous amène logiquement vers l’évolution de Pibarnon. Ce millésime 2001 se présenta à nous, plein de grâce, avec la noblesse du temps qui a patiné la fougue de son millésime. Ce vin se civilise, abandonnant le côté musclé pour un caractère plus félin.
Avec ses notes de tabac, animal, cuir, il fallait lui donner la réplique.Une double côte d’agneau farcie de pied d’agneau, confite et fumée aux feuilles de cigare, jus d’agneau au vin rouge et gratin de salsifis.
Un univers enfumé qui laisse les esprits rêveurs. L’un sublime l’autre tour à tour. C’est dans un état un peu embrumé que l’on aborde le final. Une tartelette garnie d’une crème d’amande et cerise amarena, coulis de cerise. Un dessert onctueux au fruité acidulé qui a pour objectif de porter le 2012 de Pibarnon. Ce rouge tiré sur foudre le matin même, un échantillon pour montrer le millésime en cours, explosif de fruit et vigoureux de jeunesse, sachant qu’il sera mis en bouteille en juin 2014… alors, patience ! Car la maturité quasi idéale pour ses vins se situe bel et bien entre 7 et 10 ans.
N’hésitez pas à encaver Pibarnon pour partager en toute simplicité des instants de plaisir, comme nous l’avons fait ce soir. Un grand moment de partage. Merci à Éric de Saint-Victor pour sa complicité.
Pascal Paulze
(photo Anne Wencelius)
Publié le 8 avril 2013
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