À Saint-Véran, au cœur du Queyras, cet hôtel d’altitude a deux atouts : architecture respectueuse et gastronomie séduisante. Aux commandes du restaurant Roc Alto, Alexandre Lechêne, 30 ans, tout le contraire d’un mercenaire.
En ouverture : l'entrée de l'hôtel
HAMEAU GOURMAND. Saint-Véran : il y a encore trois ans, on louait ce village du parc naturel du Queyras pour ses vertus majeures - architecture de montagne, patrimoine, pureté, lumière, environnement (1) - et le titre convoité de “village le plus haut d’Europe” (2040 m). Aujourd’hui, ces fondamentaux demeurent, mais, depuis fin 2012, Saint-Véran accueille une aventure nouvelle avec l’ouverture d’un hôtel 4 étoiles, l’Alta Peyra. Ce qui aurait été presque banal ailleurs est devenu événement dans ce village ultra protégé, voire, pour certains, une utopie. En allant jusqu’au bout du projet, Claude Berthy, auparavant directeur du Centre Leclerc de Gap et amoureux de Saint-Véran, en a fait une création exemplaire.
Alexandra Labarthe, Alexandre Lechêne et Claude Berthy à l’entrée de L’Alta PeyraLuxe sans tapageLe premier émoi passé, L’Alta Peyra a su se faire admettre de cette communauté alpine au caractère trempé : respect de l’esprit du lieu et des strictes règles de construction, reprise de l'architecture des fustes, habitations typiques des Alpes du Sud, restauration de la plus ancienne (XVIIIe), création de nouvelles, habillées de rondins de mélèze composant un hameau pentu et solaire en cinq chalets à l’emplacement des anciens hôtels, L’Astragale et le Châteaurenard. Une greffe heureuse et une démarche courageuse qui ajoutent du sens (et de l’emploi) à Saint-Véran et l’aident à lutter contre toute sanctuarisation.
D’origine bretonne, Claude Berthy rend beaucoup à sa terre d’adoption et conduit avec Alexandra Labarthe, directrice au C.V. éclectique (Disneyworld USA, My Flat in Paris, Norwegian Cruise Lines, Les Comptoirs du Médoc…), un hôtel à la forte personnalité.
On aime L’Alta Peyra pour sa position culminante, son luxe sans tapage, architecture sobre et fusionnelle de Régis Dallier, décor contemporain, intérieur aux gris et noir dominants, couleurs tendres, ardoise vieillie des salles de bain, parquets de bois clair, prestations haut de gamme (2) et circulation-dédale suivant un fil d’Ariane qui peut dérouter entre réception et chalet supérieur de L'Alta Tempo.
L'hôtel et la terrasse panoramique du Dardaya
Chambre duplex
La piscine“Le Roc Alto”: en pleine ascensionEnfin il y a le sage talent d’Alexandre Lechêne, ex de l’école Ducasse (Louis XV, La Trattoria, Aux Lyonnais…) qui veille sur les trois cuisines de l’hôtel, l’Albérade, le Dardaya et sa terrasse panoramique au pied du domaine skiable et le Roc Alto aux 25 couverts, avec cuisine dédiée et table d’hôtes, qui est désormais une “adresse” des Hautes-Alpes et un point fort de L’Alta Peyra.
En guise de mise en bouche, ses tourtons à la facture légère rappellent les barbajuans monégasques. La variation de tomates anciennes et burrata fumée est de bel esprit méditerranéen, le sandre aux écrevisses, quenelles soufflées, jus au safran et le pageot cuit au plat, farci d’épeautre et légumes d’été sont épatants de style et de saveurs. On n’aurait peut-être pas invité le foie gras avec le pigeon Miéral façon Rossini (dans les règles mais un peu trop classique), en bonne compagnie d’artichauts rôtis au lard et gnocchis à la truffe d’été, mais la truite de Châteauroux-les-Alpes en croûte de mélèze et cocotte de légumes au génépi séduit par son fumé délicat. En fin de partie, la déclinaison de miel, figue rôtie et glace au lait d’amande est une juste douceur et la chic myrtille en coque de sucre, mousse au fromage blanc, concilie terroir et exercice de style.
Alors que L’Albérade offre une carte tout d’allant et de générosité à 37€ la formule complète (risotto, cocotte de légumes, chocolat liégeois…), Alexandre Lechêne installe au Roc Alto un exercice raisonnablement étoilable. On se demande ce qu’attend - notamment - le guide Michelin pour s’intéresser de plus près à cette cuisine qui termine son rodage, s’affine et s’enhardit, veille à la rectitude des saveurs et au meilleur des productions locales, le Briançonnais et le Turinois y compris. Alexandre le vertueux, à peine 30 ans, casse les codes du jeune loup simplement de passage. Et s’il s’enracine, c’est que ce “gentil” qui n’a pas encore brodé son nom sur sa blanche tenue se sent aujourd’hui en confiance dans cet hôtel que sa gastronomie renforce.
Jacques Gantié
Le Roc Alto
La table d'hôtes
L'équipe de cuisine avec Alexandra Labarthe et Alexandre Lechêne
Tomates anciennes aux deux burratina, glace au lait d’amande.
Sandre aux écrevisses, quenelles soufflées, jus au safran
Pageot de Méditerranée cuit au plat, farci d’épeautre et légumes d’été
Pigeon Miéral façon Rossini, artichauts rôtis au lard et gnocchis à la truffe d’été.
Déclinaison de miel, figue rôtie et glace au lait d’amande
Myrtille en coque de sucre, mousse fromage blanc(1) Inauguration, début août, du nouvel observatoire astronomique du pic de Châteaurenard et première pierre de la Maison du soleil.
(2) Spa Nuxe, piscines intérieure et extérieure chauffées, sauna, hammam, fitness, solarium, ski-shop, salle de séminaires…
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L'Alta Peyra****
Châteaux & hôtels collection
Quartier la ville, 05350 Saint-Véran
Tél. (0)4 92 22 24 00http://www.hotel-altapeyra.comLe Roc Alto, menus 58€ et 78€ et carte, ouvert le soir sur réservation, fermé dimanche soir et lundi soir
L'Alberade, formules 35€ et 40€, ouvert le soir
Le Dardaya, formules 20€-30€, ouvert le midi.
(photos Thomas O'Brien, Jacques Gantié et Gérard Bernar)
Publié le 31 août 2015